Les fiertés du coeur de l’Espagne

En Estrémadure, en Castille et autour de Madrid, les horizons dépouillés des descendants du Cid, des hidalgos « fils de quelque chose » et des conquistadors du nouveau Monde.

L’âpreté des hauts plateaux

  • La colline de Caldérico, qui, à 900 m d’altitude domine la ville de Consuegra, arbore douze moulins du XVIe siècle, dont quatre ont gardé leur machinerie. Ce sont ces géants que défiait L’Ingénieux Hidalgo Don Quichotte de la Manche signé Cervantès. Ici, débute la plaine castillane de la Mancha, plantée de vignes, céréales et safran, partie intégrante de la vaste et sèche Meseta qui occupe le cœur de l’Espagne.
  • Non loin, le village de Campo de Criptana a conservé ses dix moulins fièrement campés ; Herencia et Mota del Cuervo, quelques autres. les cylindres blancs de chaux coiffés d’un chapeau noir ont moulu la farine de blé jusque dans les années 1950, leurs ailes chargées de toile faisant face aux vents venus des quatre points cardinaux, dont le glacial mataca.
  • L’Estrémadure, dont la capitale est Mérida, est plus étendue que la Belgique, moins peuplée que Séville. Pauvre, fière et rustique, cette communauté autonome vit ses cadets de famille se lancer à la conquête du Nouveau Monde. Ils ont empli les cassettes royales et rebâti leurs villes à l’image de leurs sœurs hispaniques d’Amérique.

Une capitale en effervescence

  • Le modèle de la Plaza Mayor, vaste rectangle bordé d’arcades, a essaimé jusque dans les villages. Celles de Madrid date du siècle d’or, autour des XVIe et XVIIIe , et reste le cœur battant des vieux quartiers. La plaza Mayor de Chinchon, vivante petite capitale de l’anis à 43 kilomètres de Madrid, est encire plus pittoresque avec sa forme arrondie et ses balcons de bois.
  • Le musée du Prado déborde d’admirables portraits de cour signés Vélasquez ou, cruellement réalistes, de Goya, et aussi des Greco, des Rubens…Fleuron du paseo del Arte, le Prado est talonné par ses voisins, les musées Thyssen-Bornemisza et Reina Sofia.
  • Dans les quartiers des Lettres, de Lavapiès , de la Latina, tous trois très castizos – madrilènes pur sucre-, la fièvre nocturne bat son plein. C’est à Madrid qu’a explosé la movida des années 1980, revanche de la jeunesse et des artistes sur le long engourdissement des décennies de dictature franquiste.

L’intense ferveur catholique

  • L’imposante silhouette de son monastère domine Guadalupe, dans la sierra boisée à l’ouest des monts de Tolède. Ce sanctuaire des rois très catholiques où Christophe Colomb vint se recueillir fait l’objet, en octobre, d’un pèlerinage à cheval, en hommage à l’hispanité.
  • La Vierge de Guadalupe, avec son visage sombre et son manteau de pierreries, est la perle fine de ce monastère qui déborde d’œuvres d’art cultuelles. Elle serait apparie à un vacher vers l’an 1300… Deux siècles plus tard, elle récidivera au Mexique, devant un berger. Plus de cent villes du Nouveau Monde portent son nom.
  • À Jerez de los Caballeros (Estrémadure), cité natale de Vasco Nuñez de Balboa, qui découvrit l’océan Pacifique, l’église San Bartolomé à la façade polychrome spectaculaire témoigne de la gratitude des conquistadors, assoiffés d’or, mais poussés par l’esprit de croisade..

Le Quichotte omniprésent

  • L’homme de la Mancha à qui les romans de chevalerie ont tourné la tête est partout, sur des panneaux de céramique, statufié dans le bronze ou en plaques et fils de fer, à cheval sur Rossinante, avec son valet Sancho ou en tête à tête avec dilcinée à El Toboso, le village de son unique et chaste amour.
  • La route de Don Quichotte, jalonnée d’étapes tirées du roman, est qualifiée de route de Rêve. N’oublions pas de rêver : tel est le message que l’Espagne en crise retient de son héros emblématique..

Un berceau de conquérants

  • Blanche et dorée, Cáceres est la capitale de Haute Estrémadure. Sa partie médiévale un peu figée dans sa splendeur patrimoniale et ses remparts almohades regroge d’églises, de tours et des palais blasonnés des aventuriers du Nouveau Monde. Mais son immense plaza Mayor la relie à une cité moderne très animée.
  • Trujillo, perchée sur une colline entre Cáceres et Guadalupe, plus modeste mais de toute beauté, honore son conquistador illustre, le célèbre Pizarro, qui, parti avec ses frères et son cousin Orellana, vint à bout des Incas et épousa la sœur d’Atahualpa, leur empereur.
  • Almagro, en Castille-la-Mancha, a vu naître le bâtard Diego de Almagro, qui servira Pizarro avant de combattre son rival Pedro de Alvarado et de gouverner en partie un eldorado nommé Pérou. Dans ces rues blanches rythmées de portails seigneuriaux, Pedro Almodovar, autre enfant du pays, a tourné son célèbre film Volver.

Ombre et lumière de la royauté

  • Le somptueux palais d’Aranjuez était la résidence d’hiver préférée des Bourbon. Il étire à l’infini sa façade à colonnades. Sa roseraie, ses étangs et son parc offrent un décor enchanteur où s’ébattaient majos et majas, la jeunesse dorée peinte par Goya.
  • Le monastère et palais de l’Escorial de San Lorenzo est moins riant, bien que perché dans une jolie station de montagne au nord de Madrid. Il reflète l’orgueil et l’obsession religieuse de Philippe II de Habsbourg qui le fit bâtir vers 1600.
  • La ville d’Alcalá de Henares, à 40 kilomètres de Madrid, est classée à l’Unesco. On y visite la maison de famille de Cervantès, ancien combattant manchot qui donne son nom à un prix littéraire remis chaque année par le roi.

« Tapas y jamón »

  • La « marcha » rituel des plus agréables à la tombée de la nuit, c’est faire de bar en bar la tournée des tapas, mot qui signifie bouchon : un roi médiéval aurait imposé de poser quelque chose à manger sur la chopine pour éviter l’ivresse.
  • Le fin du fin des tapas ou mini-portion, outre le fromage ou amuse-gueule en tout genre : les embutidos –charcuteries- et, surtout, l’incomparable jamón bellota, littéralement jambon gland, ce dernier constituant la seule nourriture des cochons noirs d’Estrémadure qui courent en liberté.

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